mercredi 27 octobre 2010

Rêve de désert et recette de steak

Il est une heure du matin et je suis réveillé depuis un bout de temps, incapable d’accueillir le sommeil dans mon corps, l’esprit agité par maints préparatifs et inspiré sans doute par mon prochain retour au Burkina dans deux semaines. Étant sur le point de terminer une série de formations en conception de projets, couronnée jusqu’à présent de succès si je dois en croire les propos des participants, qui m’a fait tourner dans divers coins du Nord du Ghana et qui se termine par Accra, je commence à préparer la fin de mon mandat, et aussi mon retour au Québec dans un mois. Par ailleurs, je ne cacherai pas que toute la gestion de l’incertitude qui plane sur mon esprit concernant ma recherche d’emploi, de logement et, de façon générale, de situation confortable pour Rosalie qui porte en elle le fruit de notre amour, ne favorise pas mon sommeil non plus.
Ceci étant dit, je me suis endormi accidentellement très tôt aujourd’hui, après avoir dégusté un steak frites absolument hallucinant, et je me suis réveillé avec la même saveur aux lèvres, sortant du même coup d’un rêve d’excursion en moto dans le désert du Burkina. Je ne sais pas si vous avez déjà fait de longues randonnées de moto dans des pistes désertiques, sous un astre brûlant, sans cachette autre que vêtements, casque et crème solaire. Il s’agit réellement d’une expérience mystique. L’immensité du désert, surtout quand on est seul, provoque un sentiment étrange de liberté et d’isolement, d’insécurité et de plénitude, et c’est très enivrant. Le ronronnement du moteur et le jeu difficile de la conduite en piste ensablée donne une dimension ludique et virile à l’aventure. Par ailleurs, mon corps à la peau huileuse est plus à l’aise en climat sec (en comparaison de celui du Ghana). Si j’arrive à emprunter la moto Kaizer de mon ami Pierre, Rwandais d’origine, qui gère les projets de l’ONG Medicus Mundi Andalucia à Ouaga, j’irai sûrement faire un tour au-delà de Dori pour une nuit ou deux, et pourquoi pas à Markoye, un petit village entourée de dunes près de la frontière malienne, revoir ce cher Mamadou qui m’a autrefois si bien accueilli selon la sobre mais combien généreuse hospitalité des peuples du Sahel profond. Seulement, son grand frère avait, par manigance, fait main basse sur la maison familiale et avait expulsé tous ses frangins. Depuis, je n’ai jamais eu de ses nouvelles car il ne connait pas l’écriture et son téléphone ne fonctionnait pas bien.

Je ne sais pas pourquoi, mais j’ai envie de donner à mon blog aujourd’hui une petite touche culinaire, et de vous permettre cette orgie de la bouche que m’a donné mon steak d’aujourd’hui. La recette possède au moins deux touches particulières qui sont liées avec la terre de mon épouse, mais seule la deuxième est vraiment obligatoire pour sa réussite.

D’une part, le bœuf que nous achetons à Accra provient du Burkina et est acheminé souvent par les pasteurs semi-nomades peuls qui descendent annuellement les 1000 kilomètres qui séparent le pays des hommes intègre de la Côte d’Or à pied avec leurs troupeaux aux nombreuses têtes (et qui des fois viennent du Niger ou du Mali, ajoutez 1000 km). Ce bœuf africain, qu’on appelle zébu dans nos livres d’animaux, est assez bio si l’on oublie les vaccins et les déparasitants  qui sont de plus en plus administrés aux bœufs en Afrique de l’Ouest, ce qui ne va pas sans désavantages car cela élimine, entre autres, les vers solitaires dans la viande. A cause de ces parasites, les Africains qui n’ont pas été exposés suffisamment à  la cuisine occidentale ne mangent jamais de viande saignante, même si aujourd’hui, après maints projets de coopération en élevage bovin, beaucoup d’éleveurs utilisent ces déparasitants. Cependant, parfois, le  bœuf n’est pas tendre. Un boucher d’Accra m’a confié que puisqu’ils parcourent de si longues distances, les bœufs ont la chair particulièrement coriace au niveau des pattes. Quand je vais à la boucherie de mon quartier voisin, Médina, où de par son nom vous devinerez que la viande est toujours Hallal, toutes les pièces du bœuf égorgé le matin même sont toujours vendues au même prix, sans distinction. Évidemment, je choisis toujours les filets ainsi que les T-Bones (que seuls certains bouchers savent découper). Malheureusement, je ne m’y connais pas assez en boucherie pour identifier la bavette que j’aime aussi particulièrement. La viande coûte à peu près 5 $ le kilo. Vous comprendrez que je vais tenter d’en profiter au maximum avant de retourner au Québec. Le filet, qui est plutôt loin des cuisses est toujours tendre, et parfois extrêmement tendre.


D’autre part, j’ai appris au Burkina une façon d’utiliser l’ail pour les sautades ou grillades de steak, de légumes et de poulet qui est très simple et qui conserve toutes ses merveilles propriétés gustatives. En fait, il s’agit de badigeonner viandes ou légumes à la fin de la cuisson d’huile mélangée avec de l’ail en purée, et de ce fait, de faire cuire l’ail moins de 30 secondes. Dans le cas de la recette qui suit, comme il s’agit de sauce, je fais cuire l’ail une minute avec du poivre, de l’huile et du vin. Contrairement à bien des Nord-américains, je trouve que l’ail, lorsqu’il est trop grillé, moindrement doré, développe un bien mauvais gout.

Les Burkinabés sont spécialistes des grillades. Un bon maquis (bar-terrasse), et ils sont vraiment nombreux autant dans la capitale que dans les petites villes, n’est jamais sans son grilleur d’agneau, de brochettes, d’entrailles multiples, de poulet ou de poisson, ou son enfourneur de porc. Dans les grands maquis « dans le temps », c’est-à-dire fortement fréquentés, tous ces spécialistes de la viande et du poisson seront au rendez-vous! Et certains d’entre eux sont vraiment passés maîtres dans l’art.

Enfin, voici donc la recette toute simple et très rapide que j’ai cuisinée ce soir et que j’ai intitulée

Steak-frites Poivinaille

Recette pour 2 personnes gourmandes

Ingrédients :
·         4 gousses d’ail fraîchement réduites en purée
·         Huile (d’olive si vous avez la chance d’en avoir)
·         Pincée de sel
·         Une cuillère à thé de grains de poivre grossièrement et fraîchement moulus.
·         50 ml de vin rouge de cuisson
·         Un petit oignon coupé en quart de rondelle
·         4 tranches de filet de bœuf, d’un centimètre et demi d’épais (Je les découpe de biais pour un maximum de longueur car je suis gourmand)

1 – Mélangez les 5 premiers ingrédients dans un bol

2 -  Dans un peu d’huile, faites dorer l’oignon dans la poêle à feu moyen-fort, tout en le remuant de temps à autre, jusqu’à ce que de très légers signes de cramé apparaissent. Réservez aussitôt dans une assiette. (S’accompagnerait aussi merveilleusement de pleurotes sautées au beurre à l’ail, qui sont par chance abondantes près d’Accra)

3 – Faites chauffer la poêle pendant 30 secondes et jetez y ensuite vos steaks de filets et faites cuire 1 minute de chaque côté (plus ou moins, selon le goût. Personnellement, j’aime quand 30% à 40% de la viande est toujours rosée au centre, mais que l’extérieur est généreusement grillé). Réservez auprès de l’oignon.

4 – Versez le mélange des 5 ingrédients dans la poêle encore chaude et faites cuire 1 minute. Ensuite, jetez à nouveau vos filets dans la poêle et mélangez bien, mais rapidement, les pièces de viande et l’oignon avec la sauce.

Servez avec des frites maison, de préférence, qui seront prêtes au même moment que vos filets poivinaille. Les frites épongeront le surplus de sauce de votre assiette pour le plus grand bonheur de votre palais. 

Jouissez!

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